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Un saupoudrage de fonds insuffisant - Blog gérontologique de Richard Lefrançois
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  • Richard Lefrançois
  • Retraité et professeur associé (Université de Sherbrooke, Québec), Sociologue, gérontologue
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5 avril 2008 6 05 /04 /avril /2008 19:19

R. Lefrançois, La Tribune (Sherbrooke, Qc)
Réflexions/Opinions, samedi, 5 avril 2008, p. 21
saupoudrage


La Commission sur les conditions de vie des aînés accouche de mesures décevantes


Comme maints observateurs l'ont fait remarquer, le rapport déposé récemment par la Commission sur les conditions de vie des aînés ne nous apprend rien quant aux aspirations des aînés et aux requêtes des organismes voués à leur cause. Dans les annales de la gérontologie, on écrira que cette commission fut un bel exercice démocratique, destiné à satisfaire les demandes des partis d'opposition, en faisant le point sur la situation des aînés et en nous rappelant l'urgence d'agir. Elle aura aussi permis aux acteurs de première ligne d'afficher clairement leurs cartes, en se "positionnant" à la fois sur la question du vieillissement et sur l'échiquier politique.


Ce qu'ont réclamé les participants consultés

Presque unanimement, les participants consultés ont exprimé le voeu de voir les aînés passer leurs vieux jours dans leur résidence privée, en espérant y recevoir des soins continus et de qualité. Ils ont réclamé des services de proximité et de transport plus efficaces, adaptés aux besoins de chacun. Les participants aimeraient que l'État vitalise et épaule le secteur de l'économie sociale ou coopérative, en venant par exemple en aide aux popotes roulantes ou aux activités récréatives. Pour faciliter le maintien à domicile, on a demandé une révision en profondeur des crédits d'impôt et des mesures d'assouplissement, tel le paiement différé des taxes foncières au moment de la vente de la maison.

L'action combinée des professionnels et des aidants familiaux s'avère primordiale pour assurer un maintien à domicile de qualité. Une meilleure coordination des services et de l'aide dispensés par ces intervenants contribuerait grandement à améliorer les conditions de vie des aînés. Les proches aidants ont d'ailleurs fait état de la lourdeur de leurs tâches qu'ils trouvent difficiles de concilier avec leurs obligations familiales et professionnelles. Ils réclament donc davantage de mesures de répit, du soutien technique et psychologique, et une aide financière à la hauteur de leurs responsabilités et des services rendus.

Les personnes consultées s'attendent au déploiement de ressources alternatives, comme des résidences temporaires ou des centres de jour pour ceux dont le maintien à domicile est précaire. En milieu d'hébergement, on revendique des améliorations dans le domaine de l'alimentation notamment, mais surtout des actions pour contrer la solitude. Certains ont relevé des problèmes d'accès aux ressources en réadaptation et rappelé que trouver un médecin de famille n'était pas une mince tâche.

Finalement, on déplore que la contribution des aînés dans la société ne soit pas reconnue à sa juste valeur. Plusieurs se sentent ignorés, considérés comme inutiles ou victimes de discrimination. Dans le Québec d'aujourd'hui, qui se perçoit pourtant comme accueillant, ouvert et tolérant, l'âgisme persiste.


Ce que le gouvernement offre aux aînés

Le 18 mars dernier, la ministre responsable des aînés, Marguerite Blais, dévoilait en conférence de presse la réponse du gouvernement à cette consultation publique. Le qualificatif de "réponse du gouvernement", qui figure dans le communiqué de presse, est évocateur des véritables intentions du gouvernement. Loin d'avoir entendu le message des aînés et suivi les recommandations des commissaires, loin de faire preuve d'imagination créatrice en étant porteur d'un véritable projet intergénérationnel ou d'un plan d'action crédible en matière de valorisation, de soutien et de reconnaissance des aînés, le gouvernement s'est contenté de "mesures" à moyen terme, escomptant pouvoir régler la question du vieillissement uniquement en distribuant des "enveloppes".

Cette réponse gouvernementale, ce saupoudrage de fonds, nous propulse à mille lieues d'une véritable politique de la vieillesse qui s'appuierait sur les arguments et observations soulevés par la commission, et qui tiendrait compte des enjeux et défis qui attendent le Québec de demain.

Les mesures financières annoncées constituent un leurre ou se situent en deçà des attentes légitimes exprimées, y compris par celles des commissaires. L'ordre de grandeur même des sommes annoncées risque d'en berner plus d'un. Par exemple, on projette injecter 15 millions de dollars sur cinq ans pour améliorer la qualité de l'alimentation dans les CHSLD. Concrètement, cela signifie une bonification de 3 millions de dollars par année. Or, on dénombre environ 40 000 résidents dans les CHSLD. En supposant que le nombre de résidents demeurera le même au cours des cinq prochaines années, les montants versés annuellement représentent une amélioration d'à peine 7 cents par repas, par personne. Ce prétendu "bonus" se situe même en dessous du taux annuel d'inflation!

Mettre la priorité sur le maintien à domicile est un objectif qui fait consensus. Mais il ne faudrait pas pour autant désinvestir dans le secteur de l'hébergement collectif public. Actuellement, le nombre de places en CHSLD est insuffisant pour satisfaire à la demande. Or, sur ce plan, la ministre demeure muette.

En revanche, une action novatrice mérite d'être soulignée, à savoir la diffusion d'une campagne de sensibilisation pour promouvoir une image positive du vieillissement. Parmi les actions laissées dans l'ombre, mentionnons des incitatifs pour faciliter l'accès au logement social, des programmes d'alphabétisation pour les aînés, des mesures de prévention contre le jeu pathologique, des mécanismes pour soutenir la population immigrante vieillissante, des crédits d'impôt substantiels pour les aidants familiaux, des pressions pour inciter le gouvernement fédéral à rembourser rétroactivement les aînés floués financièrement pendant des années en vertu du programme de supplément du revenu. Mais ce sera peut-être pour la prochaine fois!

Richard Lefrançois est professeur associé à l'Université de Sherbrooke.

(c) 2008 La Tribune (Sherbrooke, Qc). Tous droits réservés.

Numéro de document : news·20080405·TB·0034

 

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