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Les technologies d'assistance à domicile: des outils précieux ou malicieux? - Blog gérontologique de Richard Lefrançois
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  • Richard Lefrançois
  • Retraité et professeur associé (Université de Sherbrooke, Québec), Sociologue, gérontologue
  • Retraité et professeur associé (Université de Sherbrooke, Québec), Sociologue, gérontologue

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28 novembre 2009 6 28 /11 /novembre /2009 15:08

assistance-domicile.jpg(R. Lefrançois, 28 novembre 2009)


Dans les prochaines décennies, 1,2 million de Québécois seront âgés de 75 à 89 ans, tandis que l'effectif des 90 ans ou plus sera multiplié par huit pour atteindre le nombre impressionnant de 320 000 individus. Cette affluence de grands vieillards augure pour certains alarmistes un avenir sombre, caractérisé par une envolée des dépenses en santé, en hébergement collectif et en soins domiciliaires.

Or, ils devront sans doute se raviser, car la domotique vient à la rescousse des aînés fragiles et aide à retarder l'entrée en incapacité en facilitant la vie des personnes autonomes. Les récentes avancées en informatique et en télécommunication convergent pour engendrer des applications intégrées qui, en plus d'augmenter la capacité d'autonomie des aînés, allègent significativement le poids des dépenses publiques en santé. Si ces nouveaux produits et services bouleversent nos habitudes de vie, en revanche ils procurent davantage de commodité, d'indépendance, de divertissement et de sécurité aux aînés vivant à domicile.


Vers l'habitat intelligent

En matière de confort et de loisir, des innovations permettent déjà de programmer et piloter à l'aide d'une seule manette l'éclairage, la ventilation, le chauffage ainsi que les appareils électroménagers et audiovisuels. Côté sécurité, des dispositifs évolués enclenchent automatiquement les systèmes d'alarme et télécommandent le verrouillage des portes. À cette panoplie, s'ajoutent les logiciels consacrés à l'exercice des fonctions cognitives (Mindfit, Coach cérébral) et au délassement tout en stimulant la pratique du conditionnement physique (console Wii).

Côté prévention, des solutions proactives sont proposées pour réduire les chutes et blessures. Le marché offre des baignoires antidérapantes avec porte, des régulateurs automatiques de lumière, des lits ajustables et des fauteuils monte-escaliers. Les environnements dits "intelligents" peuvent même surveiller les déplacements des personnes atteintes de syndrome démentiel. Pour déceler les fugues ou les désorientations spatiales, une société québécoise, la Medical Intelligence Technologies, a mis au point un système de géolocalisation fonctionnant à l'aide d'un bracelet GPS.

L'industrie de la téléassistance médicale, en pleine effervescence, commercialise des appareils ultras sophistiqués allant de la visiophonie, à la télévision transactionnelle jusqu'aux capteurs et caméras capables de transmettre des données diagnostiques grâce au dépistage des anomalies des fonctions vitales (tensiomètre, oxymètre, détecteurs de détresse respiratoire). Il est d'ores et déjà possible de surveiller à distance l'activité motrice et l'état de vigilance (montre actimètre), le sommeil et l'observance de la prise de médicaments.

En vue d'autonomiser davantage les aînés, des applications plus évoluées en robotique, biologie et génétique se généraliseront grâce au progrès de la nanotechnologie. Parmi les chantiers en cours en médecine regénérative, notons le développement de nanoparticules thérapeutiques, de superprotéines, de prothèses biocompatibles dirigées par le cerveau et de nanopompes à insuline.


L'impact positif de ces technologies

Le virage de l'habitat intelligent et de la télémédecine illustre de façon éclatante l'effet de levier technologique du vieillissement démographique. N'est-il pas opportun de saisir cette occasion exceptionnelle pour revigorer notre économie vacillante et léthargique? En plus de compenser la hausse anticipée des besoins en soins ou en prévention, les gérontechnologies délesteront substantiellement l'État, les aidants familiaux et les professionnels de la santé de la surcharge imposée par l'alourdissement des clientèles.

Sans être une panacée, ces technologies aux allures futuristes apportent une solution concrète au problème des ressources humaines dans l'objectif du maintien à domicile des aînés ou des personnes handicapées. Elles séduisent par leur aptitude à prévenir ou retarder l'incapacité, à différer l'apparition des problèmes de santé, à fournir une assistance individualisée à distance et à sécuriser le milieu de vie des plus vulnérables. Enfin, elles répondent de façon tangible aux aspirations légitimes des aînés, nommément leur volonté de liberté et d'autonomie, et surtout leur désir de vivre le plus longtemps possible dans leur environnement familier.


Les questionnements incontournables

La prolifération des gérontechnologies soulève immanquablement l'épineuse question des coûts. À l'heure actuelle, seuls les aînés financièrement à l'aise peuvent en bénéficier. Mais à la faveur d'une concurrence vive, du perfectionnement des appareils, de leur convivialité et de la croissance de la demande, les prix vont chuter. N'empêche que des subventions de démarrage aux fabricants et des crédits d'impôt aux usagers accéléreraient leur diffusion.

Même si 90 % des médecins se proclament favorables aux technologies d'assistance à domicile, la méfiance demeure perceptible chez d'autres catégories d'intervenants. Subsiste la peur que ces innovations créent du chômage, disqualifient certains aidants en les confinant dans un rôle de gestionnaire de banque de données ou encore qu'elles nécessitent un perfectionnement long et onéreux.

Ces technologies se heurtent principalement aux objections éthiques. Par exemple, des failles dans la sécurité des données informatiques laissent craindre des usages frauduleux. Par-dessus tout, on redoute que ces instruments invasifs et omnipuissants s'imposent au détriment de la volonté des personnes vulnérables. On dénonce du même coup l'hyper surveillance médicale comme modalité d'intrusion dans la vie privée et atteinte à l'intégrité et au droit à l'intimité des usagers. Les plus pessimistes s'insurgent contre cette techno-idolâtrie, alléguant qu'elle mènera à la déshumanisation des soins et à l'affaiblissement du dialogue médecin-patient basé sur l'écoute empathique.

En définitive, un débat de fond s'avère incontournable pour interroger ces technologies novatrices, non seulement au nom de leur utilité, efficacité et efficience, mais aussi des valeurs sacrées de respect et de dignité de la personne, sans oublier les règles de la précaution et du consentement éclairé. Somme toute, quoi de plus fondamental que le principe souverain de l'accompagnement des aînés par des humains? Il serait à la fois dommage et dommageable que l'on transforme en souricière ce havre de paix et de quiétude qu'est le vieillir chez soi.

Richard Lefrançois est professeur associé à l'Université de Sherbrooke.

(Visiter aussi ce site : http://reflexions-gerontologiques.fr/2010/02/les-technologies-dassistance-a-domicile-des-outils-precieux-ou-malicieux/ )
Illustration(s) :

TONY AVELAR/BLOOMBERG NEWS

(c) 2009 La Tribune (Sherbrooke, Qc). Tous droits réservés.

 

 

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