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Apprivoiser sa vieillesse au lieu de l’esquiver - Blog gérontologique de Richard Lefrançois
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  • Retraité et professeur associé (Université de Sherbrooke, Québec), Sociologue, gérontologue
  • Retraité et professeur associé (Université de Sherbrooke, Québec), Sociologue, gérontologue

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17 juillet 2010 6 17 /07 /juillet /2010 13:39

Par Richard Lefrançois

La Tribune, 17 juillet 2010

Meditation

 

Au fil des années, les lectures apocalyptiques à propos de la vieillesse prétendument ruineuse et envahissante se sont substituées à l’image romantique du vieux sage bienveillant, fidèle gardien de notre mémoire collective et de nos traditions. Dans la mesure où de tels discours ne tiennent plus la route, comment donc penser et aborder la vieillesse de nos jours?

 

Une vieillesse à redéfinir 

Nos sociétés avancées, bousculées par les impératifs du monde moderne, mais en même temps soucieuses d’équité, d’éthique et d’humanisme, ont plus de mal que jamais à trouver une signification à la dernière tranche du cycle de vie. Pour y parvenir avec succès, il leur faudra intégrer le sens de la vieillesse dans la progression d’itinéraires de plus en plus individualisés, en ayant comme préoccupation le maintien des liens intergénérationnels et la recherche de rôles valorisants pour les aînés de tous âges.

 

À regret cependant, la panoplie des plans échafaudés à l’intention des aînés répond avant tout aux exigences contemporaines d’utilité, de rendement, d’innovation et de performance. On s’en rend vite compte à travers les incitations énergiques pour les mettre à contribution dans les sphères du mentorat, du bénévolat et du soutien familial, pour prolonger leur vie active et pour développer des niches commerciales et technologiques nouvelles destinées à épancher leur soif légitime d’autonomie, de confort et de loisir.

 

En fin de compte, la question cruciale est de savoir si de tels projets répondent véritablement aux aspirations profondes des aînés.

Conjurer la perte de sens

L’un des pires dangers qui guettent les aînés tient à leur refus d’attaquer de front les difficultés de la vieillesse et d’ignorer sa richesse. Au lieu d’accueillir cette période de la vie avec confiance, optimisme et aplomb, plusieurs l’appréhendent, se livrent à des dénégations, la perçoivent comme un cumul angoissant de pertes et l’absence de tout ce qui les honorait jadis : la santé florissante, l’énergie débordante, la renommée professionnelle, l’appétence sexuelle, les projets enthousiasmants.

 

Deux attitudes tranchées caractérisent en fait cette prédilection pour la fuite. Le déni et le renoncement.

Dans le scénario du déni, l’individu oppose au vieillir une résistance farouche, étant inconsciemment bercé par l’illusion d’une jeunesse éternelle. Il épousera donc des modèles de consommation et de comportement généralement attribués aux jeunes (p. ex. conduire une moto), maquillera les stigmates de l’âge (crèmes anti rides, coloration de cheveux, tenues vestimentaires branchées), se jettera dans l’activisme (pratique de sports physiquement éprouvants, soirées festives) ou fréquentera de jeunes gens de préférence.

 

Sauf exception, ce style trépidant et étourdissant épuise plus qu’il ne rajeunit. Quand le quatrième âge frappe à la porte, ces «jeunes-vieux» ressentent durement l’épreuve du temps, prenant soudainement conscience qu’ils n’ont pas su percer les secrets d’une vieillesse équilibrée, heureuse et émancipée.

 

Le second scénario, celui de l’abnégation, se distingue par les sacrifices et l’abandon de tout projet de vieillesse stimulant ou mobilisant. L’individu bat en retraite, rompant avec la vie sociale en minimisant les sorties et les dépenses, pour finalement chercher le réconfort et la consolation auprès de ses proches et dans ses souvenirs lointains.

 

Pas étonnant si ces décrocheurs de la vieillesse, faiblement aguerris et résilients, peu soucieux de leur potentiel et de leur apparence physique, paraissent plus vieux que leur âge! Certains tomberont dans la dépression, et une fraction ira jusqu’à s’enlever la vie.

 

En feignant d’ignorer ces aînés désespérés et en les refoulant à la marge, ou en adoptant des attitudes d’indifférence à leur égard, la société n’est-elle pas complice de ces formes extrêmes d’abdication vis-à-vis de la vieillesse?

Pour une authentique quête de sens

Après la phase d’émerveillement, à partir donc de l’adolescence jusqu’à la maturité, le souci de tout être humain consiste à se familiariser avec son environnement, à conquérir son indépendance, à apprendre à se maîtriser, à assurer son confort matériel et à réussir sa vie familiale, sociale et professionnelle.

 

Mais la vieillesse se présente comme un problème inattendu dont la résolution demande du courage et devant lequel plusieurs se sentent impuissants ou mal préparés. Pourtant, c’est au détour de cette transition de vie que la quête et la découverte de sens s’imposent comme pilier central d’une vieillesse accomplie.

 

Le philosophe Luc Ferry s’est demandé à quoi vieillir pouvait bien servir. À cela et rien d’autre, s’est-il empressé de répondre! Somme toute, il ne s’agit pas de «réussir sa vieillesse», une finalité qui s’assimile trop facilement à la réussite professionnelle, mais bien de l’explorer jusqu’au bout avant de quitter ce monde dans la paix, la dignité, l’intégrité et la sérénité, tout en se pardonnant ses erreurs passées.

 

On a souvent proclamé que le sens de la vieillesse se révélait davantage dans l’être que dans l’avoir, davantage dans la qualité de l’expérience que dans la durée de l’existence. Il demande simplement à jaillir et à s’exprimer en dépit des pertes et des inévitables déprises. Le vieillir ne se présente pas comme une rupture puisqu’il s’inscrit dans la continuité du flux vital. Ne perdons pas de vue qu’il débute dès la naissance.

 

En termes concrets, les aînés qui vieillissent bien saisissent cette occasion exceptionnelle pour ouvrir des horizons inexplorés et créer de nouveaux chantiers tant dans l’action, l’expression que la réflexion. Les sentiers y conduisant sont multiples, par exemple l’engagement social, intellectuel ou politique pour une cause quelconque, la religion ou la spiritualité, la méditation contemplative, la réminiscence et le bilan de sa vie.

 

Ceux inspirés et guidés par la foi religieuse estiment que toutes les étapes de la vie convergent et prennent leur sens dans la préparation de l’après-vie éternelle.

 

Mais pour la plupart d’entre nous, le sens de la vieillesse renvoie au sens même de l’existence, celui de s’inscrire dans l’aventure humaine et d’y faire sa marque. Il participe du sentiment du devoir accompli, de la satisfaction d’avoir déposé dans l’histoire des traces tangibles et mémorables : sa progéniture, des œuvres scientifiques ou artistiques, des réalisations remarquables, des legs, la transmission de son expérience ou des images gratifiantes de son passage.

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commentaires

J
<br /> Merci M. Lefrançois. Oui, vous avez très bien répondu à mon interrogation. Et je vous assure que je respecte bien les limites de vitesse ici et au USA.<br /> Au plaisir de vous lire !<br /> Jocelyne Cliche<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Bonjour M. Lefrançois,<br /> <br /> Me revoici ! Mieux vaut tard que jamais ! Avant de commencer, comme je ne dois pas être la seule personne à utiliser rarement les blogs, est-il possible d'informer le commentateur que s'il FERME la<br /> fenêtre, tout le contenu sera perdu ? Ou encore d'utiliser le mot QUITTER qui me semble plus radical que FERMER ?<br /> J'ai l'habitude de lire toutes vos chroniques (du moins celles qui paraissent le samedi dans la Tribune) et j'apprécie énormément vos analyses et vos réflexions qui mettent le focus sur la<br /> situation actuelle des aînés dans notre société.<br /> J'ai cependant fortement réagi lorsque j'ai lu votre article «Apprivoiser sa vieillesse au lieu de l'esquiver». Je vous informe tout de suite que j'ai acheté une moto à l'âge de 55 ans au moment de<br /> prendre ma retraite. Comme je ne pouvais plus pratiquer le vélo, ce que j'ai fait toute ma vie, à cause d'arthrose dans mes genoux, j'ai pensé que ce sport, en plus de comporter quelque défi,<br /> serait un aussi bon exutoire pour les frustrations, me servirait donc de thérapie tout en me permettant de voir du pays, ce qui est une de mes passions. En plus, le fait de se retrouver en plein<br /> air, dans la nature, est pour moi une forme de «méditation contemplative», avec le bruit du moteur en lieu et place du «yummmmmmm».<br /> J'ai cru comprendre, dans votre article, que vous rapprochez la conduite d'une moto par un aîné au fait qu'il refuse d'attaquer de front les difficultés de la vieillesse en choisissant la fuite<br /> dans le déni qui serait d’adopter un modèle de comportement attribué aux jeunes.<br /> Cependant un peu plus tôt dans l'article, vous semblez confirmer que les aînés ont une soif LÉGITIME de loisir. Donc, si je comprends votre idée, il est acceptable dans une vision globale de la<br /> santé de pratiquer des sports ou autres activités de loisir tout en équilibrant bien notre vie d'aînés dans «l'engagement social, intellectuel ou politique pour une cause quelconque, la religion ou<br /> la spiritualité, la méditation contemplative, la réminiscence et le bilan de sa vie.»<br /> Bref, j'oserais vous poser la question : y a-t-il là quelque stéréotype latent qui fait de la moto un sport dangereux et un sport de jeunes ? Je crois au contraire qu'avec l'arrivée des<br /> «gérontoboomers» et des femmes (jeunes et + vieilles) dans la pratique du mototouring, ET les statistiques ET les mentalités vont changer. Il n'y a pas que des motards criminalisés ou des «péteux<br /> de mufflers» qui pratiquent la moto. Ceci dit en tout respect.<br /> Par ailleurs, j'admets que ce sport est plutôt dispendieux mais quand même plus accessible que piloter un avion ou naviguer sur son voilier. Se compare-t-il au golf ? Je crois qu'à moyen et long<br /> terme, oui. Et il n'empêche pas ses adeptes de faire de la natation, de la marche ou du ski l'hiver, ou tout autre loisir qui peut contribuer à leur santé globale. Voilà pour la moto.<br /> Suite à l'analyse de votre article, permettez-moi de souligner un point qui m'est apparu contradictoire. Dans le 4e paragraphe à partir de la fin, vous rappelez que «le sens de la vieillesse se<br /> révélait davantage dans l'être que dans l'avoir». Il est décevant de constater dans votre conclusion que le contraire est mis en évidence. Il me semble que ce n'est pas parce qu'on ne laisse pas<br /> une marque «tangible» dans l'histoire que nous ne nous sommes pas réalisés ou accomplis. C'est mon opinion et je vous la partage.<br /> Pour terminer, j'aime faire de la moto. J'assume mes cheveux gris. Je n'aurai pas recours au Botox. Je m'implique au niveau social et garde un lien avec mon ancien employeur. Je m'occupe activement<br /> de ma fille qui a un problème de santé mentale. Et grâce à vous, je vais continuer de réfléchir sur mes aspirations profondes.<br /> Meilleures salutations !<br /> Jocelyne Cliche<br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Bonjour madame Cliche,<br /> <br /> <br /> D'abord merci pour vos précieux commentaires. J'ai relu mon texte, celui auquel vous faites allusion, publié en juillet dernier, pour voir dans quelle mesure il y avait des contradictions. Je<br /> n'ai pas la prétention de la perfection, d'autant plus que l'espace restreint qui m'est accordé, m'empêche de nuancer ma pensée comme je le souhaiterais. Mais même là, j'ai mes limites!<br /> <br /> <br /> Ceci étant dit, ce qui me désole c'est de constater que certaines personnes refusent de d'avancer en âge passé la cinquantaine et prennent tous les moyens pour combattre ce qui fait partie en fin<br /> de compte de notre destin. Que des seniors ou des gens du troisième ou du quatrième âge s'adonnent à des sports physiquement éprouvants ou à risque, habituellement prisés par les jeunes, ne me<br /> posent pas de problème si cela leur permet de vibrer, de s'épanouir sainement, de découvrir des ressources ou capacités personnelles jusque-là inexplorées ou insoupçonnées. Cela ne signifie pas<br /> d'emblée qu'il s'agit d'un comportement de déni. Car tout se passe dans la tête, tout est question d'attitudes, de notre façon d'appréhender notre itinéraire de vie face à l'inexorable flux<br /> temporel. Une dame québécoise de 80 ans a fait du parachutisme récemment. Et bien je lui dis bravo. Elle s'actualise, s'ouvre à l'expérience, ce qui est un signe recvonnu de vieillissement<br /> optimal.<br /> <br /> <br /> Je ne sais pas si je réponds adéquatement à votre  interrogation.<br /> <br /> <br /> Mais n'hésitez pas à me livrer à nouveau vos commentaires sur mon blog ou dans la Tribune. Même la critique m'inspire, me permet de m'améliorer, de mieux préciser ma pensée. En lisant les<br /> commentaires des internautes, je me rends bien compte qu'un texte peut être lu de bien des manières par différentes personnes. Je constate que tout est question d'interprétation finalement. Or,<br /> c'est à force de débats et d'échanges d'idées ou d'opinion que nous pouvons progresser.<br /> <br /> <br /> Bon parcours de vie et ne roulez pas trop vite!<br /> <br /> <br /> Richard Lefrançois<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> M. Lefrançois,<br /> Je crois qu'en ¨fermant¨ mon commentaire, il est allé à la poubelle.... Car j'imagine que si vous l'aviez reçu, j'aurais eu un accusé de réception.<br /> En tentant d'utiliser et d'apprivoiser la technologie, j'essaie aussi d'apprivoiser la vieillesse, en tâtonnant parfois.<br /> Comme je n'ai pas de copie de ce commentaire, j'en écrirai un autre, avec d'autres mots, bien sûr.<br /> Si vous l'avez reçu, veuillez le publier.<br /> Merci de votre attention.<br /> Jocelyne Cliche<br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Bonjour Madame Cliche,<br /> <br /> <br /> Malheureusement, je n'ai pas reçu votre commentaire, sinon il aurait été publié automatiquement. Par mégarde vous l'avez peut être effacé. Je vous invite à poster à  nouveau votre<br /> réaction. <br /> <br /> <br /> Merci et au plaisir de vous lire<br /> <br /> <br /> Richard Lefrançois<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Un petit mot pour vous dire que j'ai bien apprécié cette réflexion sur le sens de la vieillesse, étant moi-même un jeune retraité je réfléchis à l'occasion sur le temps qui passe qui est aussi le<br /> titre de mon blogue. Au plair de vous lire.<br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Merci monsieur Robert pour votre mot d'appréciation. J,en profite pour vous dire que votre site est magnifique.http://www.robertmarleau.com/blog/<br /> <br /> <br /> A la prochaine<br /> <br /> <br /> RL<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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